Un hommage au Canada et à son rôle dans la réinstallation des réfugié·e·s vietnamien·ne·s

Publié dans : Blog
Posté sur : 28 avril 2025

Par Anne-Marie Pham

Dans les moments de crise, nous devons nous souvenir de la force et de l’unité qui nous définissent. Alors que la souveraineté et la liberté du Canada sont attaquées, nous pouvons puiser courage et inspiration dans notre riche histoire et dans les récits marquants qui ont façonné notre identité. En tirant les leçons du passé, nous pouvons forger un avenir plus radieux, plus compatissant et plus inclusif pour tou·te·s.

L’une de ces leçons importantes est le rôle du Canada sur la scène mondiale en tant que lieu de refuge pour les personnes fuyant la persécution. Le 30 avril 2025 marque le 50e anniversaire de la fin de la guerre du Vietnam. Connue également sous le nom de « chute de Saïgon », cette date a gravé à jamais dans mon esprit, ainsi que dans celui de nombreux·euses Vietnamien·ne·s, des sentiments de perte, de gratitude et d’espoir[i].

Tout au long de l’histoire, mes ancêtres, ma famille, mes ami·e·s et d’autres membres de la communauté vietnamienne ont été confronté·e·s à d’immenses défis, qu’il s’agisse d’endurer une série de guerres et de déplacements forcés ou de surmonter les dures réalités de la colonisation et de l’impérialisme. Le 30 avril 1975, les derniers avions et hélicoptères américains ont quitté Saïgon, laissant coincé derrière eux de nombreuses personnes alors que le régime communiste nord-vietnamien prenait le contrôle du Vietnam du Sud. Cette prise de contrôle a marqué le début d’une ère difficile. Sous le nouveau gouvernement, les gens ont dû faire face à des conditions difficiles : leurs terres et leurs entreprises ont été saisies et les autorités ont placé des intellectuel·le·s, des soldat·e·s, des dirigeant·e·s et des activistes dans des camps de « rééducation » marqués par le travail forcé, la maladie et la mort[ii]. Des familles ont été séparées, des biens ont été volés et la démocratie a été perdue.

Par la suite, en quête de liberté et de droits de la personne, j’ai entendu d’innombrables histoires de personnes courageuses et de leurs familles. Elles ont entrepris des voyages périlleux, vendu leur or et leurs biens pour obtenir une précieuse place sur un bateau de pêche surchargé, fui leur pays d’origine au milieu de la nuit, avec rien d’autre que les vêtements qu’elles portaient sur the dos. On les appelait les « réfugié·e·s de la mer ». Entre 1975 et 1995, environ 800 000 à 1 million de Vietnamien·ne·s ont fui le pays[iii]. Leurs voyages étaient parsemés de dangers, d’attaques de pirates, de famine et de mort. Ils·Elles ont cherché refuge dans des camps surpeuplés à travers l’Asie du Sud-Est : en Malaisie, en Thaïlande, à Hong Kong, en Indonésie et aux Philippines.

Le monde entier a assisté à la scène avec horreur. À la suite d’un appel urgent à l’action lancé par les Nations Unies, les pays occidentaux ont pris des mesures collectives[iv]. Le Canada est l’un des pays qui a répondu à l’appel et a joué un rôle important dans la résolution de cette crise. Entre 1979 et 1985, le Canada a accueilli environ 110 000 réfugié·e·s.

La réinstallation des réfugié·e·s a été rendue possible par les efforts inlassables des Canadien·ne·s qui ont ressenti le besoin d’aider, grâce à la mise en place par le gouvernement du Canada, en 1979, du Programme de parrainage privé. Le gouvernement canadien s’est engagé à parrainer un·e réfugié·e pour chaque réfugié·e que le public canadien soutiendrait à titre privé[v]. Cette approche a permis aux citoyen·ne·s ordinaires de s’impliquer directement dans la réinstallation des réfugié·e·s. Des groupes ethniques, des communautés religieuses, des voisin·e·s, des familles et d’autres associations bienveillantes se sont mobilisés pour collecter des fonds et soutenir les personnes ou les familles parrainées au cours de leur première année au Canada. Le Programme de parrainage privé est depuis devenu un modèle pour d’autres pays dans le monde, démontrant comment les citoyen·ne·s peuvent jouer un rôle crucial dans la réinstallation des réfugié·e·s.

La réaction compatissante de notre pays a été si inspirante que le Canada a été reconnu au niveau international et s’est vu décerner la distinction Nansen pour les réfugié·e·s par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugié·e·s en 1986. C’était la première fois, et c’est toujours la seule, qu’un pays se voyait décerner cette prestigieuse distinction pour l’aide qu’il a apportée aux réfugié·e·s[vi].

En 2015, la loi sur la Journée du parcours vers la liberté a été approuvée par le gouvernement canadien et a reçu la sanction royale. Cette loi commémore l’exode des réfugié·e·s vietnamien·ne·s après la chute de Saïgon le 30 avril 1975 et leur acceptation au Canada[vii]. En 2022, après plusieurs années de collecte de fonds auprès de la communauté, la Calgary Vietnamese Canadian Association (CVCA), en collaboration avec des partisan·e·s et des partenaires de la communauté, a dévoilé le nouveau parc Journey to Freedom. Le parc est conçu en forme de bateau, avec un parterre de fleurs en son centre symbolisant la carte du Vietnam. Il est situé à l’entrée de l’avenue International, avec vue sur la vallée fluviale et le centre-ville de Calgary, offrant des rappels symboliques de la distance parcourue par les réfugié·e·s vietnamien·ne·s pour se créer une nouvelle vie. La conception du parc est le fruit d’une collaboration entre la CVCA, l’artiste vietnamien local T.B. Tran et des représentant·e·s des Premières Nations. Il présente un monument dédié aux réfugié·e·s de la mer vietnamien·ne·s et à leur voyage vers le Canada, ainsi que des murs commémoratifs soulignant le voyage, les parrains et marraines et tou·te·s ceux·celles qui ont contribué à la réinstallation des réfugié·e·s vietnamien·ne·s au Canada[viii]. Ce parc rappelle les sacrifices consentis et la résilience du peuple vietnamien. Il symbolise également la gratitude de la communauté vietnamienne envers le Canada, qui leur a offert un nouveau domicile.

Cérémonie du chapeau blanc à Calgary pour Mme Marion Dewar en présence de leaders de la communauté vietnamienne, le 15 août 2008

Au cours des dernières années, deux des personnes les plus remarquables qui ont eu un impact profond sur moi et sur ma communauté ont été Marion Dewar, mairesse d’Ottawa, et le Dr Howard Adelman :

  • La mairesse Marion Dewar a lancé le « Projet 4000 » en 1979, une initiative novatrice visant à mobiliser les citoyen·ne·s d’Ottawa pour parrainer et soutenir 4 000 réfugié·e·s de la mer vietnamien·ne·s[ix].
  • Howard Adelman, universitaire et humanitaire canadien, fondateur de « Operation Lifeline », a dirigé la plus grande opération qui a abouti à la création rapide de 66 chapitres à travers le Canada en huit jours, afin de mobiliser des parrainages privés[x].

Notre communauté vietnamienne les a invité·e·s à Calgary pour honorer leurs immenses contributions, et nos jeunes, nos parents et les membres de notre communauté ont eu l’occasion d’entendre le récit de leurs histoires. Leur motivation pour aider les réfugié·e·s vietnamien·ne·s était à la fois simple et profonde : une vision enracinée dans la conviction profonde que nous devons vivre dans un monde où la compassion s’étend à toute l’humanité, au-delà des frontières. Marion Dewar et le Dr Howard Adelman pensaient qu’il ne devrait pas y avoir de division entre « nous » et « eux·elles », et qu’il est de notre devoir commun de toujours apporter notre soutien à ceux·celles qui sont dans le besoin lorsque possible. Je suis sortie de ces conversations sincères avec un engagement renouvelé à faire avancer les choses, déterminée à aider les êtres humains, quelles que soient leurs dimensions de diversité et leurs circonstances de vie, à découvrir leur paix, à accéder à leurs possibilités et à embrasser la joie d’une vie et d’un mode de vie libérés de l’oppression et de l’exclusion.

D’autres efforts visant à préserver les récits des réfugié·e·s de la mer sont présentés sur le site Web Cœurs en Liberté[xi] et dans des documentaires cinématographiques passionnants[xii]. Au niveau local, la Calgary Vietnamese Youth Association recueille les récits de trois générations de notre communauté, dans le but de documenter et d’archiver notre parcours commun en cette année du 50e anniversaire[xiii].

Au fil des ans, l’héritage des Canadien·ne·s d’origine vietnamienne continue de s’épanouir à mesure que de nouvelles générations émergent, forgeant leur identité et leur sentiment d’appartenance à l’île de la Tortue. Leurs contributions sont vastes et importantes, qu’il s’agisse de contribuer à l’économie dans une myriade de professions, de favoriser l’inclusion sociale en parrainant des réfugié·e·s de la Syrie et du Kosovo, de recueillir des fonds pour venir en aide aux victimes des incendies de forêt en Alberta ou de fabriquer des masques pour les travailleur·euse·s de première ligne pendant la pandémie, alors que les vaccins et les masques étaient rares. Malgré les difficultés historiques rencontrées par notre communauté, notre esprit, comme celui de tant d’autres communautés d’immigrant·e·s et de réfugié·e·s à travers le Canada, reste fort et résilient.

Comme l’a dit Ryunosuke Satoro : « Individuellement nous sommes une goutte d’eau. Ensemble nous sommes un océan[xiv]. » Je ne doute pas que des gens ordinaires puissent accomplir des choses extraordinaires dans le cadre d’une vision convaincante. Merci au Canada de s’être mobilisé et d’avoir fait preuve de leadership et de compassion humanitaire dans ce chapitre de notre histoire. Ces bonnes leçons nous rappellent qu’il faut rester fort·e·s. Elles inspirent des actions collectives dans les moments difficiles et ouvrent la voie à un avenir rempli d’espoir, d’unité et de compassion.

 

Références (cliquez ici pour consulter les sources)

 

Balises de blog diversitéCDN CCDI Équité Diversité Inclusion Accessibilité DÉIA Centre canadien pour la diversité et l'inclusion

Messages récents

Un hommage au Canada et à son rôle dans la réinstallation des réfugié·e·s vietnamien·ne·s

Les vagues de différence : une réflexion personnelle sur la discrimination raciale et les leçons de l’océan

La question du genre dans les sciences et les STIM : avenues possibles pour la transformation des perspectives

Vieillir au-delà des stéréotypes : façonner une nouvelle histoire pour le troisième acte

Mois du patrimoine latino-américain : Un entretien avec Bibiana Pulido

Naviguer dans l’islamophobie : mon parcours en tant que musulman·e millénaire au Canada

Focaliser sur le bien-être : catalyser des pratiques transformatrices d’autosoins dans le cadre de la diversité, de l’équité et de l’inclusion

Soutenir les jeunes professionnel·le·s sur votre lieu de travail

Le CCDI utilise des témoins de connexion pour optimiser l'expérience des visiteur·euse·s sur son site Web et pour vous offrir des communications et des services adaptés à vos intérêts. Certains témoins sont nécessaires au fonctionnement du site Web, tandis que d'autres sont facultatifs. Vous pouvez accepter tous les témoins (nécessaires, préférences, statistiques, marketing) en cliquant sur "Accepter tous les témoins" ou cliquer sur "Paramètres des témoins" pour définir vos préférences en matière de témoins. Pour plus d'informations, consultez notre Politique de confidentialité.